vendredi 7 février 2020

Avez-vous l’impression que les tomates qu’on trouve au supermarché n’ont plus de goût?

Si effectivement vous trouvez que les tomates que vous achetez au supermarché n’ont plus de goût, comparé à celles d’autrefois, vous avez raison et c’est parce que ce ne sont plus les mêmes, pour la plupart.  Depuis 50 la tomate est le fruit d’une sélection génétique très poussée.  98% des variétés de tomates vendues dans les supermarchés sont, selon le jargon scientifique, des « tomates hybrides de type F1 ». Elles sont issues de semence hybride F1.  Aujourd’hui, échapper à ces semences hybridées ou clonées par l’industrie est quasiment impossible.   Maïs, légumes, riz, blé, tournesol, les mêmes plantes modernes et uniformisées qui sont imposées partout sur la planète.  Les grands semenciers ont développé des fruits et légumes qui ont une belle apparence et qui pourrissent moins vite, mais cela aux dépens du goût et des nutriments.

Pour le vérifier, il suffit de consulter « La table de composition des aliments », un document vieux de 60 ans, conservé à l’Académie d’agriculture de France.

Pour chaque fruit et légume, ce document indique la teneur exacte en vitamine et minéraux de l’époque. Il suffit de comparer ces vieux chiffres avec ceux d’aujourd’hui pour découvrir que, pour chacun des 70 fruits et légumes les plus consommés en France, c’est la chute libre.  En 60 ans ils ont perdu en moyenne 16% en calcium, 27% de leurs vitamines C et près de la moitié du fer.

Cette constatation va dans le même sens qu’une étude réalisée par un chercheur américain, Donald Davis, biochimiste, qui a travaillé à l’université Houston au Texas.  Il a mesuré l’évolution de 43 légumes aux États-Unis, entre 1950 et 1999 et a constaté, lui aussi, une diminution moyenne des nutriments de :

Calcium -16%
Phosphore -9%
Fer -13%
Vitamine C -14 % 
Vitamine B2 –38%
Vitamine A -19%

Une perte qui, selon lui, est en partie attribuable à la hausse du rendement. Et parmi ces fruits et légumes, c’est la tomate qui a subi la plus grosse perte de ses nutriments.

Calcium -26%
Vitamine B1 –57%
Vitamine C -59%

Il fût un temps où il suffisait d’avoir une saine alimentation pour combler nos besoins en vitamines et minéraux. C’est de moins en moins vrai.  Et si ça continue, aux légumes, il nous faudra ajouter des suppléments alimentaires pour rester en santé. 

Qu’est-ce qu’une tomate hybride F1 ?  C’est essentiellement une tomate standardisée de longue durée, à l’apparence impeccable. 
Comment y parvient-on?
En croisant, par exemple, un plant de tomate classique dont le fruit pourri en trois jours une fois coupé, avec un plant de tomate qui contient une anomalie génétique naturelle.  Un gène qui bloque le murissement du fruit.  On obtient ainsi une tomate hybride qui se dégrade beaucoup plus lentement. Sa durée de vie commerciale est passée de trois jours à près de trois semaines. Avant cette découverte, les producteurs perdaient jusqu’à 40% de leur récolte.  Maintenant, vous pourriez la faire venir des antipodes par bateau, et elle serait encore fraîche une fois dans votre assiette. 
Voilà pour les bons côtés, mais comme pour toutes choses, il n’y a pas que des bons côtés. Et le prix à payer c’est que:
1)    Elle n’a pas de goût.  Ceux qui la produisent s’en défendent, en disant qu’on peut y remédier en ajoutant du sel et de l’huile d’olive.

2)    Elle est pauvre en nutriments.  Mais, comme ils disent, ce n’est pas un enjeu économique.  Ce qui fait vendre c’est avant tout l’apparence.  Les nutriments on ne les voit pas, on peut les mesurer bien sûr, mais pour cela il faut faire des analyses.  Et bien justement, lorsqu’on fait ces analyses et qu’on compare les nutriments d’une tomate paysanne pure avec une tomate hybride F1, on constate que cette dernière a perdu une grande partie de ses nutriments :
Calcium -63%
Magnésium -29%
Vitamine C -72%
Lycopène – 58%  
Polyphénols -56%

Il faut savoir aussi que, le lycopène et les polyphénols, sont deux antioxydants qui aident à lutter contre les maladies cardio-vasculaires et le cancer, l’hybride en contient 2 fois moins.  
Et toujours selon Donald Davis, comme presque tous les composants importants du goût sont dérivés des nutriments essentiels, une perte des nutriments se traduit par une perte de goût. Ce qui nous amène à conclure que si une tomate a bon goût c’est qu’elle a une bonne teneur en nutriments. Maintenant vous savez pourquoi que les tomates que vous achetez à votre supermarché n’ont plus de goût.

3)    Elle est infertile, ce qui représente un avantage pour les industriels de la semence. Leurs graines étant à usage unique, fait en sorte que les agriculteurs sont obligés d’en racheter chaque année.  Un marché très lucratif, soit dit en passant, puisque les graines de tomate se vendent jusqu’à 400 000 /kg. (580.000 dollars canadiens), c’est plus que le prix d’une maison.  Un prix qui s’explique, dit-on, par une forte demande.  Ça, c’est pour la petite jaune, la plus chère.  Pour une tomate de base, c’est quand même 60 000 /kg (90 000 dollars canadiens).  Des semences vendues à pris d’or, produites à la main dans des pays où le travail n’est pas cher.  En Inde par exemple où 16% des travailleurs qui produisent des semences de légumes sont des enfants de moins de 14 ans, qu’on paie 60 sous par jour. Même si en Inde le travail est illégal avant l’âge de 14 ans.  Ces semences sont produites dans l’état du Karnataka, dans des villages reculés parmi les plus pauvres du pays.  Chaque année, 160 000 kg de semence de tomates sont produites pour être ensuite exportées.  Ça vous donne une idée de ce que ça rapporte.  Ça explique aussi pourquoi on y retrouve les cinq multinationales de la semence:  BASF, DUPONT, BAYER MONSANTO, SYNGENTA et LIMAGRAIN.

On peut continuer dans cette voie ou en changer, le choix appartient à chacun.  

Pour l’instant on produit plus.  Il faudrait produire mieux.  C’est possible, c’est facile et c’est à la portée de tous.
Il suffit, dans un premier temps, de choisir des semences d’une variété de graines de tomate paysanne pure (attention de ne pas acheter des semences F1), et de les cultiver jusqu’à la récolte. La tomate paysanne, on la reconnait facilement, avec sa robe tachetée de jaune et ses petites imperfections. 
Ensuite, à la fin de la récolte, sélectionnez quelques fruits et en extraire les graines en vue de la prochaine culture.  Et ainsi de suite les années suivantes, comme le faisaient nos grands-parents.

Pour le coup, j’ai choisi un tuto sur YouTube, il y en a plusieurs, mais celui-ci explique la procédure de A à Z, de façon simple. 
Les tomates ainsi récoltées n’auront peut-être pas une aussi belle apparence que les tomates hybrides, mais elles auront meilleur goût, puisqu’elles auront leurs nutriments d’origine, ce qui à mon avis est nettement mieux.  « NOUS SOMMES CE QUE NOUS MANGEONS », dit le proverbe, car notre corps se construit effectivement de la qualité de l’air que nous respirons, de ce que nous mangeons et de ce que nous buvons.
Un geste simple, 100% nature, qui contribue d’autre part à protéger la biodiversité déjà qu’on a perdu 75% des plantes, selon l’ancien rapporteur de l’ONU, Olivier Shutter.  À la prise de conscience individuelle sur les changements climatiques pourrait s’ajouter celle de l’agrodiversité. 

Finalement, ça contribue à freiner l’exploitation des femmes et des enfants qu’on oblige, trop souvent, à travailler dans des conditions très difficiles, en dessous du salaire minimum, pendant que les géants de la semence se remplissent les poches.



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