lundi 30 juin 2025

Mark Carney était-il vraiment l’homme de la situation face à Donald Trump?

 


Les Canadiens y ont cru. Ils ont voté pour lui, convaincus qu’il incarnerait un leadership ferme et éclairé. Pourtant, quelle désillusion d’apprendre que notre premier ministre a renoncé à la taxe numérique de 3 % destinée aux géants du Web — Google, Meta, Amazon et consorts. Cette taxe visait toutes les grandes entreprises technologiques tirant des revenus de la publicité en ligne, des plateformes de médias sociaux, des ventes de données personnelles ou encore des places de marché numériques. Elle n’était pas dirigée spécifiquement contre les États-Unis, mais il est vrai que la majorité des entreprises concernées sont américaines.

Et pourtant, en un simple appel téléphonique, Donald Trump a obtenu ce qu’il voulait : l’abandon pur et simple de cette taxe. Que lui a-t-il bien pu dire pour que Mark Carney plie aussi rapidement? Car soyons honnêtes : négocier avec Trump, c’est souvent céder à ses exigences, sous peine de représailles économiques immédiates. Le président américain avait d’ailleurs menacé de mettre fin aux négociations commerciales et d’imposer de nouveaux droits de douane si le Canada maintenait cette taxe. Entre nous soit dit, rien n’indique que l’abandon de cette taxe numérique relancera les négociations. Et s’il les reprend, qui peut dire qu’il ne cherchera pas une autre excuse pour les interrompre à nouveau ? Chacun sait à quel point cet homme est imprévisible. Parlant d'imprévisibilité, les nouvelles menaces de tarifs de Donald Trump : 50 % sur le cuivre et 200 % sur les importations de produits pharmaceutiques.

Avant Carney, je nourrissais déjà le sentiment que les élites économiques protègent d’abord leurs pairs avant de défendre les intérêts du pays qui les a vus naître. Aujourd’hui, Mark Carney me donne raison de la manière la plus éclatante. En renonçant à cette taxe, il envoie un message troublant : même les plus puissants peuvent reculer face à la pression, au détriment de l’équité fiscale et de la souveraineté économique.

Cette taxe n’était pas symbolique. Elle devait rapporter jusqu’à 7 milliards de dollars sur cinq ans. Elle représentait un pas vers une fiscalité plus juste, où les géants du numérique contribuent enfin à la société dont ils tirent tant de profits. En y renonçant, Carney compromet non seulement une source de revenus cruciale, notamment pour soutenir les médias canadiens, mais aussi la crédibilité du Canada sur la scène internationale.

Le pays tout entier s’était rangé derrière lui dans ce bras de fer avec Trump. Cette volte-face, aussi soudaine qu’incompréhensible, pourrait bien tout changer. Elle soulève une question fondamentale : Mark Carney est-il vraiment l’homme qu’il nous faut pour défendre les intérêts du Canada face à une Amérique de plus en plus agressive?

Lettre ouverte (adressée à Mark Carney)

Monsieur le Premier ministre,

Comme plusieurs Canadiens, j’ai cru en votre engagement à faire progresser le pays de manière équitable. C’est avec cette confiance que nous vous avons élu.

Mais votre décision de renoncer à la taxe numérique sur les géants du Web m’a profondément déçu. Cette taxe était une opportunité : celle de faire payer une juste part aux entreprises qui profitent de nos marchés sans contribuer à notre société. Elle aurait permis de soutenir notre économie, notre culture, nos médias.

Un simple appel de Donald Trump aura suffi à vous faire reculer. Vous n’êtes pas sans savoir qu’avec Trump, céder une fois, c’est céder toujours. Que vous a-t-il donc promis pour que vous abandonniez une mesure aussi essentielle?

J’espérais qu’avec vous, les intérêts des Canadiens passeraient avant ceux des multinationales. J’espérais que votre expérience servirait à affirmer notre souveraineté, pas à la diluer. J’espérais que vous seriez le Premier ministre capable de dire non aux puissants, même quand cela semble difficile.

Aujourd’hui, je me questionne.


jeudi 12 juin 2025

Le 3e lien à Québec : un projet en perpétuelle mutation

 

Le projet du troisième lien entre Québec et Lévis a connu de nombreux revirements au fil des années. Initialement présenté comme indispensable par la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, il a ensuite été abandonné, jugé trop coûteux et mal adapté aux besoins réels de la population. Pourtant, contre toute attente, il a refait surface, cette fois accompagné d’un chèque en blanc, sans estimation précise des coûts.

Aujourd’hui, le maire de Québec, Bruno Marchand, demeure sceptique et demande encore à être convaincu de la nécessité du projet. Comment peut-on défendre un projet dont les contours restent flous après des années d’études, des millions dépensés, et une date de mise en service inconnue ? Cela frise l’improvisation ou, pire encore, une tentative politique de se faire réélire.

Un enjeu électoral récurrent

Combien d’élections devront encore être disputées sur le dos du 3e lien ? Ce projet semble être devenu un outil politique, utilisé tour à tour pour séduire les électeurs, puis mis de côté lorsque les réalités économiques rattrapent les promesses électorales. Ce dernier revirement pourrait être qualifié de farce, tant il illustre l’incertitude et l’absence de vision claire.

Des priorités mal placées ?

Alors que le gouvernement s’apprête à investir des milliards de dollars dans un projet controversé, ( Le troisième lien pourrait coûter jusqu’à 9,3 milliards $ ) les routes du Québec continuent de se détériorer. Les automobilistes québécois voient leurs véhicules s’user prématurément, contraints de les remplacer deux à trois ans plus tôt que prévu. A-t-on seulement réfléchi aux coûts indirects de telles décisions ?  Et c’est sans parler de la crise du logement et de l’inflation qu’elle provoque. À titre d’exemple :

Un contexte économique préoccupant

Tout cela survient après un déficit de 11 milliards de dollars, qui a entraîné une baisse de la cote de crédit du Québec. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que de nombreux Québécois envisagent de voter pour un autre parti politique aux prochaines élections.

Le troisième lien est-il réellement une priorité ? Ou bien est-il devenu un symbole de l’incertitude politique, oscillant entre nécessité et opportunisme électoral ?

Historique

En mars 2017, le gouvernement du Québec crée un bureau de projet (20,5 millions de dollars) et affirme que le « troisième lien » ira de l'avant, sans donner de détail sur la forme qu'il prendrait. En août 2018, la ministre déléguée aux transports, Véronyque Tremblay, annonce que cinq corridors d'implantation sont à l’étude et que le chantier pourrait commencer en 2026. La zone d'implantation à l'étude comprend un territoire s'étendant de Saint-Augustin à la pointe est de l'île d’Orléans. Le maire Régis Labeaume, s'appuyant sur des statistiques évaluant comme plus nombreux les déplacements entre l'ouest de Lévis et l'ouest de Québec, affirme sa préférence pour un troisième lien du côté ouest de la capitale

Le troisième lien entre Québec et Lévis ou tunnel Québec-Lévis est un projet de tunnel routier visant à relier les rives du fleuve Saint-Laurent entre les villes de Québec et Lévis.

À la suite de sa victoire majoritaire aux élections générales de 2018, le gouvernement Legault s'engage à commencer la construction de ce nouvel axe avant 2022.

En 2025, la construction n'a pas encore débuté. Lors de la même année, le gouvernement Legault assure d’abord que le troisième lien envisagé sera un pont, écartant une voie souterraine, et confirme une liaison des deux rives qui ne sera pas de centre-ville à centre-ville, avant de se rétracter en annonçant finalement que ce sera un pont-tunnel.

Le projet initial, qui comprend notamment la construction d'une voie destinée aux automobiles, fait rapidement l'objet de controverses. Au sein de la population, il récolte aussi bien des appuis enthousiastes que de vives oppositions. Pour leur part, les experts dans le domaine des transports, de l'urbanisme et de l'économie affirment unanimement que l'ajout de cet axe routier ne permettra pas de résoudre les problèmes de congestion routière à moyen et long termes.

Le 18 avril 2023, le gouvernement du Québec annonce l'abandon de l'automobile dans le 3e lien, en faveur d'un tunnel affecté au transport en commun, en raison de la baisse d'achalandage due à la pandémie et à l'augmentation des coûts. Cette décision provoque des réactions mitigées chez les élus, la population et les partis politiques. Le 20 avril, la ministre des Transports et de la Mobilité durable révèle des études qui contredisent l'argument principal du gouvernement, soulevant des questions sur la sincérité de la CAQ lors de la campagne électorale. La faisabilité et les coûts du tunnel restent à déterminer.

Le 20 avril 2023, la ministre des Transports et de la Mobilité durable Geneviève Guilbault annonce officiellement que la portion autoroutière du troisième lien destinée aux automobiles sera abandonnée et que seul la portion consacrée au transport en commun sera construite. Elle soutient alors que la croissance du télétravail et les changements des habitudes des automobilistes expliquent ce changement de cap, une information qui se révèle mensongère.

Le 13 juin 2024, le premier ministre du Québec François Legault donne son feu vert pour un troisième lien au lendemain d'un rapport de CDPQ Infra commandé par le gouvernement qui n'est pas d'avis que la région ait besoin d'un autre lien sur une base de mobilité. Le gouvernement martèle que, pour des « raisons économiques », une redondance des liens interrives est de mise pour le transport de marchandises, et justifie ainsi son volte-face afin d'éviter une « catastrophe » économique advenant une fermeture du pont Pierre-Laporte -- les camions, pour le moment, ne peuvent pas emprunter le pont de Québec


mercredi 4 juin 2025

Donald Trump relance son offensive de guerre commerciale qu’il mène depuis sa réélection

Les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium sont désormais passés de 25 % à 50 %. Cette décision intervient alors que ses précédentes mesures sont contestées en justice, certains jugements remettant en question leur légalité.

Malgré tout, Trump reste fidèle à lui-même : imprévisible, illogique et potentiellement nuisible à l’économie de son propre pays. La meilleure stratégie à adopter face à un dirigeant qui n’écoute que lui-même est de répondre en réduisant notre dépendance aux produits américains.

Et cela est possible, à condition de prendre des mesures concrètes :

1. Nouer des partenariats commerciaux fiables

Bien que cette question soit déjà discutée, il est impératif pour le Canada d’en faire une urgence nationale. Le Canada pourrait, par exemple, vendre son acier et son aluminium en Europe et ailleurs en échange de contrats militaires.

À ce titre, pourquoi continuer à acheter des F-35, dont le contrôle restera américain, alors que nous pourrions nous tourner vers les Rafale, moins coûteux et plus faciles à entretenir ? Voici quelques points à considérer :

  • Si la furtivité et la technologie avancée sont prioritaires, le F-35 est le meilleur choix.
  • Si la maniabilité, la polyvalence et la fiabilité sont essentielles, le Rafale est plus adapté.
  • En combat rapproché, le Rafale pourrait avoir l’avantage grâce à sa maniabilité et ses deux moteurs.
  • En guerre électronique et en missions furtives, le F-35 est supérieur.

À l’époque, on peut penser que le choix du F-35 était motivé par la volonté de préserver des liens solides avec notre principal partenaire commercial, un allié et un ami. Mais sommes-nous encore amis aujourd’hui ?

2. Valoriser l’aluminium canadien

Outre l’acier, l’aluminium canadien est frappé d’un droit de douane injustifié de 50 %. Trump a lui-même admis que les droits de douane sur l’aluminium, comme sur les autres produits exportés aux États-Unis, sont autant de leviers qu’il utilise pour affaiblir l’économie canadienne et générer des centaines de milliards de dollars pour son pays.

La réponse logique serait donc d’optimiser cette ressource en construisant des usines au Canada afin de fabriquer nous-mêmes nos canettes avec notre propre aluminium. Actuellement, nous exportons cette ressource aux États-Unis, qui la transforme en contenants qu’ils nous revendent ensuite pour nos bières et boissons gazeuses. Avec la hausse des tarifs, ces contenants coûteront forcément plus cher.

De plus, nous pourrions cesser d’acheter leur bière en canette, tout comme certaines provinces ont cessé d’acheter leurs vins américains.

3. Exercer une pression économique et diplomatique

Avec un interlocuteur autre que Trump, nous pourrions faire valoir plusieurs points essentiels :

  1. Impact sur les prix des biens de consommation : Une hausse des tarifs douaniers entraîne une augmentation des coûts de production, ce qui se répercute sur les prix des produits finis.
  2. Répercussions sur l’emploi : Les industries canadiennes dépendantes des exportations vers les États-Unis pourraient être affectées, entraînant des pertes d’emplois.
  3. Distorsion des marchés financiers : Des tensions commerciales prolongées peuvent affecter la confiance des investisseurs et provoquer des fluctuations boursières.
  4. Répercussions diplomatiques : Une escalade commerciale affecte aussi les relations politiques entre les pays.

Mais avec Trump, à quoi bon ?

Sa méthode de négociation est bien connue : imposer sans rien concéder en retour. Dans ce contexte, pourquoi ne pas appliquer ses propres règles en instaurant un droit de douane de 50 % à l’exportation sur l’électricité et les matériaux critiques, ainsi que sur d’autres ressources comme le bois d’œuvre ?

De cette manière, Trump constaterait que les Américains sont plus dépendants de nos produits qu’ils ne veulent bien l’admettre. Ce serait un levier de négociation efficace pour conclure des ententes profitables aux deux parties.


En bout de ligne, la réponse viendra du premier ministre du Canada, Mark Carney « Nous sommes en train d’avoir des discussions intensives avec les Américains maintenant. On va prendre un peu de temps, mais pas plus, pour répondre » a-t-il a déclaré à son entrée au caucus libéral, ce matin.