samedi 23 mars 2024

Les lanceurs d’alerte

 

Il arrive qu’ils fassent changer les choses, mais la plupart du temps, leurs doléances restent sans effet. Pourquoi? Parce que ce n’est pas ce qui est dénoncé qui fait réagir, mais qui lance les alertes.

J’en sais quelque chose et ceux à qui ce qui suit s’adressait se reconnaitront, si toutefois leur entourage leur a relayé l’information.

À savoir.

Je suis arrivé au Canada en juin 1975, puis au Québec en octobre de la même année et j’ai tout de suite su que c’était là que je voulais vivre. Je suis maintenant à la retraite, ce qui me permet de mieux suivre ce qui s’y passe. Et pour ce faire il m’arrive d’écouter l’émission de télé « Les mordus de politique » aussi souvent que possible. Certains sujets m’intéressent plus que d’autres, mais d’entendre les points de vue des participants est toujours très éclairant.

Certes, le Québec a beaucoup changé en 49 ans, et en mieux, il faut dire ce qui est. Cependant, je suis triste de constater que certaines pratiques qui existaient en 1975 n’ont pas changées. Et parmi celles-ci, un sujet qui me tient particulièrement à cœur concerne les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Certains étaient docteurs dans leur pays d’origine. Malheureusement, ne pouvant plus exercer leur profession, ils doivent accepter, pour vivre, d’être chauffeurs de taxi au Québec. Sans vouloir dénigrer les chauffeurs de taxi, je trouve que c’est un gaspillage de connaissance humaine sans nom. Surtout dans un contexte où le système de santé est au bord de l’éclatement.

J’ai bien essayé de faire part de mes préoccupations à qui de droit, mais tout ce que j’ai reçu en retour est une réponse automatique. Ce qui ne garantit pas que mon message soit parvenu à qui de droit.

Bref, laissé sans réponse je me suis adressé à une autre personne influente, dans l’espoir qu’elle en parle d’une manière ou d’une autre. « Ce que vous pourrez dire sur le sujet fera, plus de chemin qu’avec moi » lui ai-je dit.

Le message en question le voici, un peu remodeler, pour ne pas nuire à qui que ce soit.

Je vous suis avec grand intérêt depuis votre nomination comme xxx. Et ce faisant, j’ai pu constater que vous vous débattez comme un diable dans l’eau bénite pour améliorer le système de santé. Cependant, malgré vos efforts constants, il semble que peu de choses changent, du moins du point de vue d’un monsieur tout le monde comme moi. Mais personne ne vous blâme, les gens vous font confiance.

Le ministère qui vous a été confié est d’une complexité tel que tous les ministres qui en ont hérité, aussi loin que je me souvienne, s’y sont cassé les dents.

L’un des problèmes réside au fait que les médecins spécialistes, bien que très compétents, ont souvent un ego démesuré. Ils sont les véritables décideurs, du coup il faut user de beaucoup de diplomatie pour les amener à accepter le moindre changement sans risquer de les perdre. Ils sont conscients d’être ceux qui contribuent à faire progresser la science de la santé. Ce qui n’est pas faux, disons le.

Ensuite, il y a les administrateurs. Pour eux, tout changement se traduit par des variations dans les colonnes des revenus et des dépenses. Les patients deviennent alors des numéros. Et, résultat, l’importance de leurs besoins en soins de santé est parfois négligée. Ces administrateurs ont bien vite oublié que tout le monde a besoin de soins de santé, un jour ou l’autre, même eux.

En troisième lieu, le personnel infirmier. Il faut les féliciter et les remercier. Ils sont au cœur de tout, et pourtant, je ne les ai jamais entendus se plaindre, les fois où j’ai dû être hospitalisé. Ils ont le sens du devoir tatoué sur le cœur.

En dehors des hôpitaux, il y a les médecins de famille. Moins considérés que leurs confrères spécialistes, mais pas moins indispensables ni moins compétents. Après tout, ne sont-ils pas ceux à qui incombe la responsabilité de poser le bon diagnostic pour vous référer aux spécialistes?

Le dénominateur commun à tous ces intervenants est le manque de personnel. Pourtant les médecins ne manquent pas. Et si nous ne parvenons pas à pourvoir les postes en pénurie, c’est en partie parce que nous ne cherchons pas au bon endroit.

Combien de fois avons-nous entendu parler de médecins, qu’ils soient médecins de famille ou spécialistes, se plaindre d’être cantonnés à faire du taxi plutôt que d’exercer leur métier? Je n’ai rien contre les chauffeurs de taxi mais, entre nous. Ne trouvez-vous pas que chacun devrait pouvoir travailler là où ses aspirations et ses études l’ont conduit? Que ce soit comme chauffeur de taxi, médecin généraliste, médecin spécialiste ou autre?

Et aujourd’hui, plus que jamais, avec l’afflux des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, nous pourrions pourvoir un bon nombre de postes en pénurie. Il suffirait de faire appel à eux comme on l’a été fait pendant la pandémie afin pourvoir des postes d’infirmières.

Et à ceux qui répondraient à l’appel, il suffirait de leur faire passer un test d’aptitude et de leur offrir des mises à niveau selon leurs besoins. En un an, peut-être moins, le système de santé québécois pourrait accueillir des gens venus de partout, fiers de pouvoir offrir leur contribution à hauteur de leurs compétences. Et, disons-le, à une fraction du coût d’une formation complète d’un médecin.

Cela ne suffirait peut-être pas à pourvoir tous les postes, mais ça apporterait une aide précieuse au système de santé québécois.

Avec plus de médecins de famille, on aurait moins de patients orphelins. ( Près de 2 millions de Québécois se retrouvent sans médecin de famille au Québec1) Et avec plus de médecins spécialistes, on pourrait réduire les listes d’attente en chirurgie.

Et comme atout non négligeable, ces nouveaux médecins qui viennent d’ailleurs pourraient communiquer, dans leur langue, avec une partie grandissante des patients partageants les mêmes origines.

Au final, tout le monde y gagnerait.

Ceci dit, je ne suis pas le seul à dénoncer ce potentiel de médecin mal employé. 

14-04-2016 Des médecins étrangers refusés, des postes en résidence laissés vacants | Radio-Canada

13-09-2013 Opinion-Infochao: Médecine: pas de postes au Québec pour les finissants

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